JUSTICE • ☀️ bulle à l’EJCAM #5
10h, tribunal judiciaire de Marseille, septième chambre. Une femme, petit chignon, lunettes épaisses et gros pull rose s’avance d’un pas hésitant à la barre. La prévenue, Marie-Christine Cecora, comparait pour détention de stupéfiant, association de malfaiteurs et recel d’armes. Les autres impliqués dans ce procès, sa tante, Annie Jannon, un proche de la famille ainsi qu’un des trafiquants du business, sont absents. En apparence, une mère de famille de 57 ans on ne peut plus normale. En réalité, une victime malgré elle du trafic de drogue marseillais.

Nourrice pour « soulager sa tante âgée et malade »
Tout commence en 2016 à la cité de la Bricarde, dans le nord de Marseille (15 arr.), bien connu du trafic de drogues. Lors d’une descente de CRS, les appartements de la tante et de la nièce situés au rez-de-chaussée d’un immeuble, plus de dix kilos de cannabis et 13 000 euros en liquide sont découverts. La prévenue insiste, elle n’était « pas rémunérée » pour être nourrice, elle le faisait pour « soulager sa tante âgée et malade ». Des aveux qui laissent les juges perplexes. De fortes dépenses inexpliquées sont également passées au crible. Confuse, elle conteste les faits.
Des armes « pour la guerre civile qui arrive »
Une affaire de famille, où les enfants sont entraînés malgré eux. Sa fille Eva, 15 ans au moment des faits, se plaignait souvent des allers et venues incessants des trafiquants. Lorsque la présidente Karine Sabourin lui demande pourquoi elle détenait des armes chez elle, celle-ci répond : « pour la guerre civile qui arrive ». Fou rire de la présidente. Concernant les sommes astronomiques d’argent, elle le justifie par de « simples économies ». « Ma tante était gravement malade », martèle-t-elle de plus belle. « Par bonté d’âme », ironise la présidente. Elle se fige, balbutie. Lorsqu’on lui montre les images de la perquisition, elle craque. Quand on la presse encore un peu plus, elle s’explique avoir accepté à cause de « difficultés financières ». Peu convainquant pour les juges. La mère de famille vivait à l’époque des aides sociales et des pensions alimentaires.
La présidente, qui reste de marbre, souligne l’immaturité de la femme. Malgré des soucis de santé, les rappels à l’ordre et un casier judiciaire déjà chargé, elle récidive. « Par votre faute, c’est la vie de guetteurs, de vendeurs, de consommateurs qui est mise en jeu », et à la fin, « des cadavres et des mineurs », sermonne-t-elle sèchement. Le trafic de drogues a fait 32 morts en 2022. « J’ai accepté pour avoir la paix ! », scande-t-elle en pleurs, plusieurs fois durant l’audience. On ne cesse de la recadrer, ses enfants derrière elle comme un rempart.
Ne vous inquiétez pas, « j’ai compris la leçon »
La procureure Cécile Guyonvarch résume l’affaire en un « dossier hélas assez banal sur fond de trafic de drogues. » En semi liberté depuis le 9 février, Marie-Christine Cecora affirme avoir « compris la leçon » et évoque sa réinsertion professionnelle apaisée au Wake Up Café, association qui accompagne des personnes détenues vers une réinsertion dans la société durable et sans récidive. Et le délibéré tombe : trois ans de prison dont un an ferme pour la nièce et deux ans avec sursis pour la tante. La procureure clôt l’audience : « vous avez toutes les cartes en main pour réparer votre avenir ».