đbulle Ă l’Ă©cole #1
Quand je les regarde, tous assis devant moi je me demande sâil y a une diffĂ©rence flagrante entre eux et moi.
Cette aprĂšs midi, je surveille un DST de 2de dâun lycĂ©e privĂ© catholique dâune banlieue parisienne aisĂ©e. Face Ă moi, des enfants dont les parents ont les moyens de payer chaque annĂ©e en espĂ©rant donner les meilleures chances de rĂ©ussite Ă leur progĂ©niture. Mais est-ce quâon leur donne vraiment de meilleures chances Ă ces jeunes gens ?

Moi, ma scolaritĂ© je lâai fait dans un lycĂ©e classĂ© ZEP (zone dâĂ©ducation prioritaire), avec des professeurs gĂ©niaux, mais avec tous les dĂ©savantages dâun lycĂ©e oĂč le toit manque de sâĂ©crouler Ă chaque ondĂ©e, avec les travaux juste Ă cĂŽtĂ©, qui rĂ©pondent aux nouveaux projets : le dĂ©senclavement des citĂ©s.
La vraie diffĂ©rence entre nous et eux câest la sĂ©lection ; elle sâest assurĂ©e que ce ne sont pas des fauteurs de troubles, que ce sont de bons Ă©lĂšves.

MĂȘme Ă lâentretien, le proviseur mâavait dit que lâimmense majoritĂ© de leurs Ă©lĂšves Ă©taient courtois. Câest vrai, contrairement Ă nous, tous ces petits nâont pas seulement des tĂȘtes dâenfants sages, mais ont Ă©galement lâattitude qui va avec. On leur demande de faire quelque chose ; ils exĂ©cutent.
Quand les parents parlent des raisons pour lesquelles ils envoient leurs enfants dans des Ă©tablissements privĂ©s, ils Ă©voquent le suivi scolaire quâils trouvent meilleur, la discipline (que les professeurs nâont presque pas Ă faire puisque les Ă©lĂšves sont dĂ©jĂ sages) et le cadre, Ă©lĂ©ment important et parfois oubliĂ©. Il est vrai que dans cet Ă©tablissement il nây a aucun tag, rien ; les murs sont propres, mĂȘme sâils restent trĂšs classiques. Une grande cour, avec un prĂ©au pour les pauses repas, leur permet de se dĂ©tendre.
Mais mettre ses enfants dans un Ă©tablissement privĂ©, c’est avant tout assurer dĂšs le plus jeune Ăąge quâils ne prennent pas de retard scolaire.

DâaprĂšs les sociologues, un enfant qui Ă©prouve des difficultĂ©s en CP a peu de chance de rĂ©aliser une scolaritĂ© normale, voire Ă©panouie. Tu nâes pas parent, mais une petite angoisse monte dĂ©jĂ en toi ? VoilĂ , on imagine aisĂ©ment ce que peuvent ressentir des parents pour lesquels une seule chose compte : la rĂ©ussite de la petite merveille quâils ont mise au monde. Et on peut les comprendre. La sociĂ©tĂ© est de plus en plus compliquĂ©e et la seule rĂ©ussite qui reste Ă certaines personnes, c’est la rĂ©ussite de leurs enfants.
Mais est-ce que toute lâattention que lâon donne Ă ces enfants leur permet vraiment de rĂ©ussir mieux que les enfants des Ă©coles publiques ? Selon lâĂ©tude Pisa de 2018, les Ă©lĂšves du privĂ© rĂ©ussissent effectivement mieux, mais cela va avec un contexte socio-Ă©conomique dans lequel les enfants grandissent. Bien quâaujourdâhui de nombreuses Ă©tudes en neurosciences ont montrĂ© la plasticitĂ© du cerveau tout au long de la vie, un enfant dont les parents ont les moyens financiers nĂ©cessaires ont plus de chances de rĂ©ussir.
En fin de compte, si les Ă©lĂšves des Ă©tablissements privĂ©s rĂ©ussissent mieux, câest en grande partie parce quâils viennent de milieux socio-Ă©conomiques privilĂ©giĂ©s. Ils rĂ©ussiraient certainement de la mĂȘme maniĂšre dans un Ă©tablissement public.
Cette Ă©tude nous dĂ©montre que lâon en revient toujours au mĂȘme point : lâĂ©cole ne prend part quâĂ une partie de lâĂ©ducation des enfants ; les parents et surtout le temps de qualitĂ© quâils partagent avec leurs enfants pour les Ă©duquer, les cultiver, ouvrir au monde, leur apprendre la vie, câest plus important que lâĂ©cole.

Dans ma minisĂ©rie « đ bulle d’Ă©cole »,je vous propose divers articles sur lâĂ©cole ; jây aborderai diffĂ©rents thĂšmes, comme lâĂ©galitĂ© des chances, le harcĂšlement, lâorientation…