Jean Dujardin sauve « OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire » du mĂ©chant crocodile

OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire 3
critique / sortie ciné

OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire, sorti en salle le 4 aoĂ»t 2021, est le troisiĂšme volet de la saga d’espionnage incarnĂ© par Jean Dujardin. Michel Hazanavicius passe les commandes Ă  Nicolas Bedos pour ce nouvel opus : en 1981, Hubert Bonisseur de La Bath part en mission au cƓur de l’Afrique et ses mystĂšres.

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ZĂ©phyrine Bamba (Fatou N’Diaye) et Hubert Bonisseur de La Bath (Jean Dujardin) dans OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire. ©Christophe Brachet – MANDARIN PRODUCTION – GAUMONT – M6 FILMS – SCOPE PICTURES

OSS 117, meilleur (pire) espion français de l’aprĂšs-guerre, aprĂšs plus de 30 ans au service de la SDECE (Service de Documentation ExtĂ©rieure et de Contre Espionnage), se voit subitement remplacĂ© par Serge, alias OSS 1001 (Pierre Niney), jeune recrue prometteuse envoyĂ©e pour une prochaine mission en Afrique subsaharienne. Son objectif : aider le dirigeant Koudjo Sangawe Bamba (Habib DembĂ©lĂ©) Ă  neutraliser les mouvements rebelles Ă  l’approche des Ă©lections gouvernementales. De son cĂŽtĂ©, Hubert est assignĂ© au dĂ©partement informatique de la cĂ©lĂšbre sociĂ©tĂ©. Mais lorsque OSS 1001 disparaĂźt des radars, OSS 117 est appelĂ© Ă  la rescousse dans l’espoir de finir la mission. Un souffle nouveau semble naĂźtre dans ce nouvel Ă©pisode.

Alerte rouge en Afrique noire, un film historique ?
Le film est un constant clin d’Ɠil Ă  l’actualitĂ©. Petit rappel : en 1981, ValĂ©ry Giscard d’Estaing cĂ©dera bientĂŽt la place Ă  François Mitterrand ; on envisage alors de tourner la page OSS 117 afin d’entamer l’ùre OSS 1001 (pas pour trĂšs longtemps, je vous rassure). L’ancrage historique semble nettement plus marquĂ© que les deux prĂ©cĂ©dents titres de la saga. Peut-ĂȘtre un peu trop, justement. Peut-ĂȘtre que le contexte gĂ©opolitique omniprĂ©sent (mĂȘme quand il n’en est pas question directement dans les dialogues) ne laisse justement pas la place Ă  ce qui a fait le succĂšs des OSS signĂ© Hazanavicius : des films de l’absurde faits de blagues lourdingues et immorales en rafales, des situations imprĂ©visibles et drĂŽlement ridicules, une esthĂ©tique du kitsch et des moyens d’époque, un jeu d’acteur d’antan
 Le tout complĂ©tĂ© d’anachronismes. Mais ça, on en reparlera un peu plus bas.

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Hubert Bonisseur de La Bath (Jean Dujardin), en lutte contre les prĂ©jugĂ©s, refuse catĂ©goriquement qu’on lui porte ses bagages. ©Christophe Brachet – MANDARIN PRODUCTION – GAUMONT – M6 FILMS – SCOPE PICTURES

Alerte rouge en Afrique noire, un buddy movie ?
Le dĂ©calage jeune / ancienne gĂ©nĂ©ration est bien mis en Ă©vidence au nez du spectateur : entre dialogues et vocabulaires dĂ©calĂ©s, look tendance 80’s de mĂ©trosexuel et has been, l’un au climax de sa forme sexuelle et l’autre rencontrant ses premiers couacs, l’un Ă  la pointe de la technologie et l’autre complĂštement Ă  la ramasse, l’un idolĂątrant l’expĂ©rimentĂ© et l’autre dĂ©daignant cette fougueuse jeunesse. Peut-ĂȘtre au dĂ©triment de toute l’esthĂ©tique du buddy movie, en vogue dans les annĂ©es 1980, que nous promettait le cadre spatio-temporel.
Seulement voilĂ , le personnage de Serge portĂ© avec espoir par Pierre Niney semblait presque fonctionner, mais la relation presque maĂźtre-Ă©lĂšve n’est ici que trop superficielle, bĂąclĂ©e et prĂ©sentĂ©e plus comme un camĂ©o sans assez de profondeur. La nouvelle relation Ă  peine introduite est trop vite stoppĂ©e (honnĂȘtement, un peu plus d’une heure pour ce rĂ©sultat, c’en est presque frustrant).
Ce qui fait la singularitĂ© des OSS rĂ©alisĂ©s par Michel Hazanavicius, c’est l’hommage omniprĂ©sent aux films d’espionnage des annĂ©es 1950-1960 ; ici, coup de jeune ! rendons hommage aux annĂ©es 1980
 Ah, non. Alors qu’il Ă©tait temps d’apporter un souffle nouveau Ă  la saga qui vieillit avec son personnage, le comique de situation caractĂ©ristique est ici tantĂŽt vide, tantĂŽt pesant : en effet, on peut passer plusieurs instants sans que cela ne provoque rien au spectateur. Dommage. Peut-ĂȘtre une mise en scĂšne trop contemporaine, trop maladroite pour une sĂ©rie de films se voulant hommage et mimĂ©tique du cinĂ©ma d’époque. On s’attend Ă  un bon petit buddy movie ; or il s’agit d’un novice qui OSE donner des leçons Ă  l’ancien, avec une succession de gags drĂŽles parfois sans queue ni tĂȘte. Petit point d’honneur pour le passage du lion domestiquĂ© grĂące Ă  l’allemand, vraiment drĂŽle pour le coup !

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OSS 117 (Jean Dujardin) et OSS 1001 (Pierre Niney) en pleine mission. ©Christophe Brachet – MANDARIN PRODUCTION – GAUMONT – M6 FILMS – SCOPE PICTURES

Alerte rouge en Afrique noire, politiquement incorrect ?
La premiĂšre crainte que l’on peut avoir avant de visionner le film, c’est qu’il soit « politiquement correct Â». Mais fort est de constater que ce n’est heureusement pas le cas. Le contexte spatio-temporel et les mentalitĂ©s de l’époque n’y ont pas Ă©tĂ© bafouĂ©es. On y retrouve, certes avec une certaine maladresse et une volontĂ© de bien faire, tout le racisme, l’esprit colonialiste de la Françafrique, et c’est bien grĂące Ă  la voix d’OSS 117 qu’on en rit. On y retrouve son humour caractĂ©ristique : les blagues lourdes au possible en rafale, gĂȘnantes aujourd’hui, entre racisme exacerbĂ©, misogynie assumĂ©e
 Notre bon vieux Hubert Bonisseur de La Bath dans toute sa splendeur, qui n’a, comme on le constate, pas perdu de sa superbe. Ignare, mais pourtant si attendrissant.
Si le passage entre la rĂ©volutionnaire ZĂ©phyrine Bamba (Fatou N’Diaye) et Hubert Bonisseur de La Bath s’était dĂ©roulĂ© dans un contexte contemporain, il aurait Ă©tĂ© vraiment impardonnable. Mais disons que l’on accepte cela parce que, voilĂ , on ne change pas ni l’Histoire ni les mentalitĂ©s du passĂ© ! La relation ZĂ©phyrine / Hubert est quelquefois confuse, mais sans grande gĂȘne dans l’histoire. Certains noteront les anachronismes de la cancel culture (terme apparu en 2017 aux États-Unis) et du #metoo intĂ©grĂ© Ă  l’intrigue, mais qui restent cependant tolĂ©rables (certes un peu lourdes Ă  nos yeux).

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Hubert Bonisseur de La Bath (Jean Dujardin), en bon ami de Koudjo Sangawe Bamba (Habib DembĂ©lĂ©), et de la Françafrique. ©Christophe Brachet – MANDARIN PRODUCTION – GAUMONT – M6 FILMS – SCOPE PICTURES

Alerte rouge en Afrique noire, un film « sympa Â» mais sans plus
En somme, le rebondissement n’est pas lĂ , et c’est bien dommage. On peut s’y attendre vers la deuxiĂšme moitiĂ© du film, lorsqu’il s’agit de mettre Ă  terre l’ennemi, mais on est loin de l’action au Caire oĂč Ă  Rio. On retrouve toujours notre bon vieux Hubert Bonisseur de La Bath, toujours aussi misogyne, raciste, dĂ©modĂ©, arrogant et homophobe. On retrouve bien le contexte du racialisme et de la supĂ©rioritĂ© blanche, de l’indigĂ©nisme et du fĂ©tichisme
 mais pas le buddy movie, qui aurait pu apporter ce vent de fraĂźcheur durant les deux heures du film. Le ringard est drĂŽle, comme toujours. Nostalgique des annĂ©es coloniales, du « temps bĂ©ni des colonies Â» et de la Françafrique, Jean Dujardin est toujours le « franchouillard Â», reprĂ©sentatif des Occidentaux Ă  l’aube des annĂ©es 1960. Il est toujours attachĂ© Ă  cette Ă©poque de l’aprĂšs-guerre, emplie de colonialisme, de patriotisme et mĂȘme de chauvinisme, accompagnĂ© de son machisme incontestĂ© et son inconditionnel soutien au prĂ©sident RenĂ© Coty. La fin prĂ©cipitĂ© d’OSS 1001 ne permette pas d’espĂ©rer une suite. Il est toujours maladroit, rĂ©solument d-fidĂšle Ă  ses convictions peu importe la situation. SĂ»r de lui, fier et coquet, ce qui le rend souvent Ă©goĂŻste et Ă©gocentrique. Il est pourtant grand, beau, viril, sĂ©duisant, multiplie les conquĂȘtes, toujours alerte
 Manque d’intuition, dotĂ© d’une bĂȘtise juvĂ©nile, utilise un vocabulaire dĂ©suet. Il est reprĂ©sentatif de son Ă©poque avec ses propos racistes, xĂ©nophobes et machistes
 son humour caractĂ©ristique rĂ©side dans le dĂ©calage entre le jeu d’OSS 117 et son entourage, qui entraine souvent un comique de situation. Celui-ci est bafouĂ© par cette nouvelle esthĂ©tique / approche proposĂ©e par Nicolas Bedos. On notera tout de mĂȘme la volontĂ© de vouloir changer, apporter un vent de fraĂźcheur Ă  la sĂ©rie. Mais lĂ , la sĂ©rie de films absurdes composĂ©s de situations absurdes se dĂ©compose. On ne change pas une Ă©quipe qui gagne.

On rit bien, mais sans plus.
On passe un bon moment, mais sans plus.
Jean Dujardin sauve OSS 117 du méchant crocodile.

OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire, actuellement en salles.
Ma note : 7 / 10

OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire
J’ai pas les mots. ©Christophe Brachet – MANDARIN PRODUCTION – GAUMONT – M6 FILMS – SCOPE PICTURES
Affiches OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire
Photomontage : ©ANONYME ; affiches : ©MANDARIN PRODUCTION – GAUMONT – M6 FILMS – SCOPE PICTURES

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